Une mine de charbon au coucher du soleil avec des roches noires, de la poussière, et quelques personnes en arrière-plan.

TERRE DE FEU, INDE . 2019

Dans la région du Jharkand, au nord-est de l’Inde, la terre brûle et le sol se dérobe depuis plus d’un siècle. Un gigantesque gisement de charbon a pris feu sous la surface terrestre et ne cesse de se consumer obligeant les villageois à fuir toujours plus loin. Des mines à ciel ouvert, principalement exploitées par le gouvernement sous l’acronyme BCCL et des compagnies privées, ont remplacé les galeries souterraines d’antan pour augmenter la productivité. Les terres se privatisent et la population, qui travaillait auparavant légalement dans les mines, se voit obligée de collecter du charbon à l’aube lorsque la police n’est pas présente sur les sites d’extraction. Ces nouvelles exploitations polluent l’eau, détruisent les forêts et rendent les terres stériles mais l’autonomie énergétique de l’Inde est la priorité numéro 1 et la population n’est ni consultée, ni prise en considération. 

Au petit matin, hommes, femmes et enfants multiplient les aller-retours entre les mines voisines et leur village pour collecter un maximum de charbon en un minimum de temps. Ils slaloment sur des sentiers abruptes et rocailleux en portant des paniers pouvant peser jusqu’à quarante kilos. Commence ensuite un long processus de combustion pour extraire les matières nocives du charbon (monoxyde de carbone, dioxyde de sulfure, mercure…) et en faire du « soft coal », un minerai commercialisable. Pour l’obtenir, et en dépit des risques évidents pour la santé, les épaisses fumées noires des brûlis émergent au milieu des maisons de chaque village et polluent un peu plus l’air déjà saturé de substances toxiques. Après une combustion de 6 ou 7 heures, le charbon est mis en sac et chargé sur des vélos. Les pousseurs, en solo ou par équipe de 2, transportent jusqu’à 400 kilos de charbon sur une dizaine de kilomètres avant de le revendre dans les échoppes de Jharia ou au marché noir de Dhanbad. Ce travail herculéen leur rapporte 2 à 3 euros par jour.  

Une multitude de villages, entourant principalement la ville de Jharia, sont menacés par les flammes et les glissements de terrain mais le phénomène est trop important pour être endigué. De plus, cette catastrophe est un excellent prétexte pour évacuer les populations, récupérer les terres et agrandir les exploitations sans déclencher de protestations. Des milliers de famille, littéralement et financièrement au bord du gouffre, attendent désespérément de l'aide. Une opération de réhabilitation menée par le gouvernement est en cours mais leur programme prend du retard. 100 000 familles doivent être déplacées urgemment alors que Belgaria, un ensemble d’immeubles sorti de terre entre 2008 et aujourd’hui, ne peut en accueillir que 7000. A ce jour, deux phases de construction sont terminées et quatre autres sont en chantier. Ces nouveaux logements sont approvisionnés en eau et en électricité mais Belgaria se trouve à près de vingt kilomètres de Dhanbad et personne ne veut s'y installer. Là-bas, il n’y a pas de travail et pas de transport. Les relogés, isolés et désoeuvrés, vivent sur une allocation de 300 roupies (4 euros) qui leur est versée pendant 500 jours avant de se retrouver dans la misère sans porte de sortie.

Enfants et adultes lavant la vaisselle dans une rivière à l'ombre d'un grand arbre dans un paysage aride.
Quatre personnes portant des paniers remplis de charbon sur la tête, marchant dans un paysage rocheux et montagneux.
Un bâtiment résidentiel abandonné avec un château d'eau à gauche, un chemin de terre, une personne et un chien à proximité, dans un environnement urbain défraîchi.